L’arbre du voyageur

Moment de poésie par Eric GUERVILLE

Quelque part au loin l’île de Madagascar recèle sa flore extraordinaire
Qui s’est trouvée isolée de la dangereuse concurrence des plantes étrangères
La nature a pu dès lors se laisser aller dans une folle exubérance
En modelant la figure particulière de cette terre baignée d’une grande clémence
Ainsi le chaud soleil et les nuages bienfaisants animent l’atmosphère
D’un milieu où un végétal s’est érigé comme l’incontournable repère
De l’aventurier assoiffé qui y trouve un liquide en abondance
Et s’abreuve sous cet emblème d’un paradis ensoleillant notre conscience

Il se dessine peu à peu un maigre profil perpendiculaire à l’horizon
Et cette régularité aiguë tranche comme un couteau l’écume des frondaisons
Je suis attiré par cette architecture fichée dans le flou d’une forêt
Et avide de sa lumière m’en approche tel un insecte que la brise balaie
Alors l’ébahissement m’accroche comme le poids de ma fatigue à un bâton
Tandis que je distingue une vaste feuille se regardant d’une bien curieuse façon
Elle semble jouer avec deux miroirs où se superposent ses multiples reflets
Et m’invite dans cette étrange surimpression naturelle qui m’engloutit à souhait

Mais l’arbre du voyageur se pare de deux visages complètement différents
Alors je dévie ma trajectoire initiale pour le contempler autrement
Et sa frêle silhouette se transforme peu à peu en un immense éventail
Exerçant sa prise à l’écoulement de mes pensées comme au vent qui l’assaille
Il entrave ainsi les courants de mon indifférence qui meurent allégrement
En suivant les directions de son feuillage opposé diamétralement
Ce fort symbole malgache rayonne ainsi comme un astre et chasse la grisaille
De mes tourments qui se diluent alors dans mon extase sans la moindre faille

Son inflorescence peu colorée s’efface devant une telle symétrie
Et une étonnante part d’un éden céleste recouvre ses graines fort jolies
Ainsi les oiseaux se laissent attirer par leur soyeux azur et les avalent 
En propageant dans cette connivence un règne surplombant et triomphal
Je regarde comme eux ces tiges creuses et imbriquées où s’accumule l’eau de pluie
Rembobine le fil du temps et perce alors son centre tel un homme démuni
Une eau tiède me désaltère alors et m’immerge dans un échange ancestral
Où un flot de gratitude pousse aussi la porte de mon cœur et en dévale

Eric GUERVILLE